mardi 5 août 2008

L’île Australia

L’île Australia, comme l’Ile Guillou (la petite île à l’ouest d’Australia) est située au fond du Golfe du Morbihan (voir carte). Elle tient probablement son nom du croiseur australien « l’Australia » qui vint mouiller des mines magnétiques dans le Golfe du 1er au 4nov 1941 pour empêcher les corsaires allemands de s’y abriter.

Australia est une île relativement préservée : la végétation observée semble assez représentative de celle qui aurait existée avant l’arrivée de l’homme à Kerguelen. En effet, aucun BLO (Bestiole aux Longues Oreilles, autrement dit lapin…) n’a osé poser la patte sur cette île. Au contraire, sur la Grande Terre et de nombreuses îles, le lapin s’est rapidement multiplié depuis son introduction en 1874 et a fortement contribué à l’appauvrissement des paysages… De plus, Australia aurait pu être l’égale de sa voisine orientale, l’île Mayes, paradis des oiseaux et donc des ornithos… si des rats avides d’oeufs n’y avaient pas élu domicile. Depuis quelques années maintenant, les rats ont été éradiqués de l’île mais la présence d’oiseaux reste anecdotique. La recolonisation du site prendra sûrement quelques temps… En attendant, laissez moi vous présentez quelques unes de nos plantouses !

Quelques plantes




Primitivement, les plaines de l’archipel des Kerguelen auraient été essentiellement recouvertes par une association d’Acaena, d’azorelles et de choux des Kerguelen. Ce sont les trois espèces qui composent aujourd’hui les « prairies » à Australia.

Acaena magellanica.





C’est une petite plante de la famille des rosacées qui recouvre la majorité de l’archipel. Elle fleurit en été (décembre-février) sous la forme de jolies boules rouges pour ensuite donner des fruits sous la forme de boules rouges piquantes très agaçantes pour celui qui s’y colle !! En hiver (à partir de mai-juin), ses feuilles commencent à flétrir pour ne repousser qu’au printemps (septembre-octobre). Elle semble être celle qui résiste le mieux aux dents des lapins…

Pringlea antiscorbutica, autrement dit le chou des Kerguelen.


Symbole de l’île, il doit sa célébrité à son pouvoir « antiscorbut ». Malgré son goût effroyable, les marins le consommaient pour lutter contre le scorbut. Les choux ont une croissance lente : la plupart ne se reproduisent pas avant l’âge de 6-7ans et ils pourraient vivre plus de vingt ans. Sa distribution est aujourd’hui limitée à des zones abritées des lapins (îles sans BLO, falaises…). Il se retrouve aussi bien en bord de mer qu’en altitude. Nous en avons observés à quelques mètres du sommet du Mont Crozier (950m environ).

Azorella selago.

Cette apiacée (famille de la carotte) forme des coussins denses bien arrimés à des substrats rocheux, ce qui lui permet de résister au vent. Malgré une forte réduction de son abondance, elle est encore bien présente sur l’archipel, en particulier sur les hauteurs. Sur la photo, à gauche l’azorelle, à droite le Lyallia.



Lyallia kerguelensis.




Comme l’azorelle, le lyallia se retrouve sous forme de coussins. C’est la seule plante réellement endémique de Kerguelen, c'est-à-dire qu’elle n’est présente qu’à Kerguelen et non pas sur d’autres îles des terres australes. Elle est très peu abondante et est absente des lieux peuplés de lapins.

D’autres espèces de plantes autochtones (qui seront décrites dans un prochain billet) sont observables ainsi que des plantes introduites. La cabane d’Australia Sud entourée d’Avoine dorée témoigne d’ailleurs du rôle de l’homme dans l’apport d’espèces exotiques sur les îles.Les manips mensuelles à Australia







Les manips mensuelles à Australia



Chaque mois, nous rendons visite à notre petite île et allons saluer ses habitants : Acaena, Choux des Kerguelen, Lyallias et autres espèces de graminées autochtones. Le principal but de notre manip est de suivre leur état phénologique. La phénologie d’une plante correspond à l’état de la plante : du stade végétatif donc sans fleurs au stade reproductif qui va de l’émergence d’un bouton floral à la production de graines. En effectuant un suivi mensuel, nous pouvons savoir à quel moment dans l’année elles vont donc se reproduire et combien de temps celles-ci nécessitent pour passer d’un stade à un autre. Ce suivi, étant effectué depuis plusieurs années, permet de voir si la reproduction des plantes varie avec le temps. Ces changements pourront être reliés à des facteurs environnementaux comme les températures et les précipitations par exemple. C’est dans cette optique que trois piézomètres (tubes en plastique encastrés dans le sol) sont relevés chaque mois afin de mesurer la hauteur d’eau des nappes phréatiques en trois points de l’île. Ceci permet d’avoir une idée de la disponibilité en eau pour les plantes ainsi que de la variation mensuelle et annuelle des précipitations.
Nous avons donc :
- 20 placettes de 20*20cm d’Acaena sur lesquelles nous mesurons la hauteur de la strate et notons le stade phénologique de chaque plante comprise à l’intérieur de la placette.
- 20 choux dont nous mesurons diamètre et hauteur et comptons le nombre de hampes florales en notant leur stade phénologique.
- 6 espèces de graminées autochtones sur lesquelles nous notons également le stade phénologique
- 20 Lyallia kerguelensis sur le plateau qui surplombe la cabane d’Australia Sud.




La manip Calycopteryx


Calycopteryx est un insecte aptère (il n’a pas d’ailes) appartenant au même ordre que les mouches. La perte de fonction de vol serait due aux conditions de vents et de températures loin d’être idéales pour faire un petit tour dans les airs… De plus, leur régime alimentaire n’implique pas de déplacement, ce qui rend les ailes inutiles…
Cet insecte vit sur les choux dont il se nourrit. Le chou secrète certaines substances que l’insecte transformerait et utiliserait pour lutter contre des stress comme le froid par exemple.

Afin de savoir quelles sont les molécules utilisées par Calycopteryx, nous avons collecté en mars dernier des individus à différents stades de leur vie (larves-pupes-adultes des deux sexes) ainsi que des feuilles de choux. Des analyses en labo en métropole permettront d’identifier les molécules en jeu dans la relation chou-insecte.


Les sternes



Les insectes et les plantes ne sont ps les seuls à égayer nos manips… les piafs auusi s’en mèlent !
Sterna virgata, ou la sterne des Kerguelen est un élégant petit oiseau pêcheur de crustacés retrouvé en bord de côtes. A Australia, quelques sternes ont élu domicile à quelques encablures de la cabane. A chaque fois que nous passons à côté d’elles, elles nous accueillent ou plutôt tentent de nous effrayer en poussant des petits cris stridents et en nous fonçant dessus ! Gare à leur petit bec pointu ! Elles veillent sur leurs nids !



Un petit trip vers le Nord, ça vous tente ?


L’hiver étant là, les manips sont moins nombreuses. Une météo clémente nous a alors permis de rejoindre le Nord de l’île lors de notre manip fin juin. Seuls quelques kilomètres séparent la cabane du Nord de celle du Sud mais en réalité nous avons dû contourner l’Anse des Macrocystis et surtout enjamber moultes azorelles qui tentaient de nous barrer le passage !
A l’arrivée à la cabane, surprise : des milliers de crottes de souris et une odeur effroyable !!! Pas assez pour nous décourager, trois coups de balai et nous avons pris possession des lieux pour la soirée avant de repartir le lendemain pour le sud où le chaland allait nous récupérer.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je découvre ton blog avec beaucoup de retard, c'est inqualifiable ! Mais j'essaie de rattraper le temps perdu, et je me gave de tes photos, aussi magnifiques qu'inhabituelles, de tes textes qui m'apprennent beaucoup, du plaisir d'être sur des îles interdites... Kerguelen vu par toi, c'est tout nouveau, et c'est génial ! Continue à nous dépayser, à nous offrir ton archipel à toi, si personnel et si beau ! Merci, et profite bien de la chance que tu as...
Roger