mercredi 27 août 2008

Sourcils Noirs, au sud de l’archipel…

Manip plus trop d’actualité mais je profite de ces périodes hivernales sur base pour vous compter mes aventures passées…

Juste avant la MidWinter, du 11 au 16 Juin, je suis allée rejoindre Thibaut, le VCAT popchat à Sourcils Noirs, au sud de l’archipel, en compagnie d’Hélène, ma collègue écobiote et Jean Max, un des VCAT géophy.

Pour se rendre à Sourcils, plusieurs moyens de locomotions sont requis : les pattes (un tout petit peu) puis le chaland puis les pattes… D’abord une petite marche jusqu’à la flotille (ça ça va c’est pas le plus long) où nous attend notre chaland, puis trois heures de navigation et enfin trois heures de marche… En effet, pour des raisons de sécurité, le chaland ne peut sortir du Golfe et nous emmener directement sur place (son fond plat ne permet pas de naviguer en pleine mer). Ce matin là, la base avait été une fois de plus recouverte de neige que le vent s’était empressé de balayer laissant de vastes surfaces dénudées et d’autres plutôt encombrées ! Et sur la mer, le vent avait généré une bonne houle… même sur le Golfe du Morbihan d’ordinaire assez calme. Nous avons donc été ballottés jusqu’à atteindre la Tête d’Homme, mont de la presqu’île Ronarch’ évoquant un visage humain.

Nous étions contents de poser pied à terre au Halage des Naufragés où le chaland nous a quittés sous les averses de neige et la tempête.

Pas le temps de s’attarder au risque de geler sur place! Même si les températures ne sont pas très basse (entre-2°C et 1°C), le vent accentue fortement la sensation de froid ! En route donc pour le Canyon via les Hauts des Hurlevents : plateau pierreux et désertique qui porte très bien son nom … Malgré un temps d’apparence exécrable, marcher dans la tempête m’a paru assez sympa. Vent et averses de grésil nous ont tenus compagnie tout au long du chemein… Heureusement, nous étions bien équipés et possédions un GPS bien utile pour se repérer lorsque l’on ne voit plus à quelques mètres…

La cabane de Sourcils Noirs située au creux du Canyon est un magnifique petit chalet de montagne. Une rivière ponctuée de petites cascades coule à quelques mètres et berce les manipeurs dans leur sommeil.

La météo de la semaine s’est avérée assez hivernale. Peu de soleil, gel, dégel, pluie… Mais nous avons quand même pu piéger quelques chats et se promener un peu. En effet ici, comme à Port Couvreux, les petits moustachus font l’objet des manips du Popchat. Sur chaque site d’étude (Port Couvreux, Port Jeanne d’Arc, Ratmanoff, PAF et Soucils Noirs), des observations aux jumelles sont effectuées au niveau de zones précises afin de dénombrer les chats et de positionner leurs territoires. De plus, des piégeages sont effectués : les chats capturés sont alors mesurés sur tous les bords, marqués puis relâchés sur les sites de capture. Différences morphologiques et génétiques peuvent alors être étudiées en métropole.

Pour sortir du canyon, les chemins sont escarpés et glissants. C’est donc armé de piolets que nous empruntions les différents sentiers. Sur cette zone de l’archipel, beaucoup de falaises bordent le littoral. C’est dans ces falaises que nichent les fameux albatros à Sourcils Noirs (Diomedea melanophris) que nous n’avons malheureusement pas eu le loisir d’apercevoir : ils s’en vont en mer en hiver et ne reviennent qu’au « printemps ». Une colonie de gorfous macaronis (Eudyptes chrysolophus) les accompagne d’ordinaire sur ces pentes escarpées. Espérons que nous puissions revenir en octobre/novembre pour revoir tout ce petit monde ; ceci en compagnie des ornithos ou du popchat qui sont les gardiens de ce site protégé.

Pas de piafs mais de beaux paysages… Sur le plateau, une fois sortis du Canyon, nous avions une magnifique vue sur la péninsule Ronarch’ (par temps pas trop gris).

De plus, nous nous sommes rendus au bord des falaises de l’A Pic, tombant à plus de 500m dans la mer.

Le retour jusqu’au Halage s’est fait sous un soleil resplendissant mais sur un sol très caillouteux… ou seules les azorelles et quelques Lyallia semblent y trouver leur bonheur !

Le lendemain de notre retour sur base, les festivités de la MidWinter nous attendaient déjà !!

mardi 19 août 2008

Le mois d’août…

Déjà le mois d’août, le temps passe ultra vite... Finalement, les conditions météo hivernales ne sont pas si terribles que ça… Depuis le mois de juin, l’archipel est souvent recouvert de neige. Celle-ci, balayée par de forts vents, peut former de grosses congères… Mais les jours de véritable tempête sont rares… Le temps changerait-il…

Après un dernier passage sur les îles Australia et Guillou pour nos manips mensuelles (voir précédents billets), nous faisons une pause forcée sur base…


En effet, notre chaland, l’Aventure II est arrêté pour deux semaines afin que Yannick (bosco) et Eric (mécanicien) le bichonnent. Le chaland, c’est un bateau à fond plat normalement utilisé par les ostréiculteurs dans les parcs à huîtres. Ici, il est bien utile pour accoster n’importe où sur les îles qui ne disposent pas de quais ou de pontons…


Long d’une quinzaine de mètres, il accueille régulièrement matériel et manipeurs jusqu’aux lieux d’études des différents programmes scientifiques. . De plus, l’été, un container y est placé pour ramener les agneaux destinés à la boucherie depuis l’île Longue. Le chaland ne peut s’aventurer en dehors du Golfe du Morbihan.



L’hiver est la meilleure époque pour réviser le chaland puisque nos manips sont beaucoup plus courtes et beaucoup moins intenses que le reste de l’année. La végétation n’est pas au mieux de sa forme, elle attend le « printemps » pour se refaire une santé.

Nos quinze jours sur base (du 8 au 26 Août) sont l’occasion pour nous de rentrer les données accumulées sur le terrain depuis le début de notre hivernage : mesures de milliers de choux et d’azorelles, plus de 180 transects, données de nos manips mensuelles ainsi que plus de 200 pots d’insectes récoltés… Que du bonheur…

200 pots… ce sont des heures passées à trier, identifier et compter toutes ces ch’tites bêtes derrière la loupe binoculaire. Mais pourquoi observer tant d’insectes ?

De nombreux insectes ont été introduits à Kerguelen comme la mouche bleue, les fucelles, les oopterus. En général, ceux-ci sont soit prédateurs ou compétiteurs des espèces natives dont la présence se fait petit à petit plus rare. Effectuer un piégeage régulier chaque année permet donc de suivre les abondances relatives des différentes espèces au cours des mois : introduites comme autochtones afin d’évaluer l’impact des introduites sur les espèces natives. Les piégeages permettent également d’être à l’affût de toute nouvelle introduction.

Afin de recueillir le plus de types d’insectes possible, nous posons différents types de pièges.

Nous avons un piége jaune appâté par du foie de mouton relevé tous les cinq jours. La couleur jaune est connue comme attirant les insectes volants et le foie permet d’attirer les insectes friands de viande en décomposition. Bonjour l’odeur ! Dans ce piège nous récoltons principalement des espèces introduites : mouches communes et des grosses mouches bleues ainsi que quelques moucherons et pucerons.

Sur PAF (Port aux Français), nous ouvrons également des piéges tous les quinze jours sur quatre sites différents : la chapelle, biomar (le laboratoire de biologie), et à l’intérieur et l’extérieur des serres. Sur chaque site, nous avons deux types de pièges. Un piége jaune sans appât pour les insectes volants et trois pièges barbers : petits pots encastrés dans le sol permettant de piéger les insectes rampants/marchants. Ces petits pots ne sont autres que des fromages Gérard, le fameux camembert en conserve que nous avons sur base !!

Tous les pièges sont remplis d’eau savonneuse pour empêcher les bestioles de remonter sur les bords… Aucune échappatoire n’est donc possible pour le malheureux qui y choit.

En plus des pièges sur base, nous avons également des sites de piégeage sur Isthme Bas à quelques kilomètres de la base (carte) sur quatre sites.

Tous les insectes sont conservés dans l’alcool.

Si vous comptez bien cela fait environ
- 6 pots d’insectes/mois pour le PJA

- 16 pour les piéges de PAF

- 8 pour les pièges d’Isthme Bas

soit un total de 30pots/mois. Cela fait 8 mois que nous sommes là… 240pots…

De janvier à avril un vrai bonheur : des tas d’insectes à compter. Notre record 955 petites mouches (comme sur les photos)... qui en plus d’être déterminée doivent être sexées…



Heureusement, cette pause sur base c’est aussi l’occasion de faire autre chose. Un petit passage par la salle de musique (guitares, basses, piano et batterie) de temps en temps. Ou un saut au « hall transit » qui en dehors des OP permet de jouer au badminton, volley, football, basket...



mardi 5 août 2008

L’île Australia

L’île Australia, comme l’Ile Guillou (la petite île à l’ouest d’Australia) est située au fond du Golfe du Morbihan (voir carte). Elle tient probablement son nom du croiseur australien « l’Australia » qui vint mouiller des mines magnétiques dans le Golfe du 1er au 4nov 1941 pour empêcher les corsaires allemands de s’y abriter.

Australia est une île relativement préservée : la végétation observée semble assez représentative de celle qui aurait existée avant l’arrivée de l’homme à Kerguelen. En effet, aucun BLO (Bestiole aux Longues Oreilles, autrement dit lapin…) n’a osé poser la patte sur cette île. Au contraire, sur la Grande Terre et de nombreuses îles, le lapin s’est rapidement multiplié depuis son introduction en 1874 et a fortement contribué à l’appauvrissement des paysages… De plus, Australia aurait pu être l’égale de sa voisine orientale, l’île Mayes, paradis des oiseaux et donc des ornithos… si des rats avides d’oeufs n’y avaient pas élu domicile. Depuis quelques années maintenant, les rats ont été éradiqués de l’île mais la présence d’oiseaux reste anecdotique. La recolonisation du site prendra sûrement quelques temps… En attendant, laissez moi vous présentez quelques unes de nos plantouses !

Quelques plantes




Primitivement, les plaines de l’archipel des Kerguelen auraient été essentiellement recouvertes par une association d’Acaena, d’azorelles et de choux des Kerguelen. Ce sont les trois espèces qui composent aujourd’hui les « prairies » à Australia.

Acaena magellanica.





C’est une petite plante de la famille des rosacées qui recouvre la majorité de l’archipel. Elle fleurit en été (décembre-février) sous la forme de jolies boules rouges pour ensuite donner des fruits sous la forme de boules rouges piquantes très agaçantes pour celui qui s’y colle !! En hiver (à partir de mai-juin), ses feuilles commencent à flétrir pour ne repousser qu’au printemps (septembre-octobre). Elle semble être celle qui résiste le mieux aux dents des lapins…

Pringlea antiscorbutica, autrement dit le chou des Kerguelen.


Symbole de l’île, il doit sa célébrité à son pouvoir « antiscorbut ». Malgré son goût effroyable, les marins le consommaient pour lutter contre le scorbut. Les choux ont une croissance lente : la plupart ne se reproduisent pas avant l’âge de 6-7ans et ils pourraient vivre plus de vingt ans. Sa distribution est aujourd’hui limitée à des zones abritées des lapins (îles sans BLO, falaises…). Il se retrouve aussi bien en bord de mer qu’en altitude. Nous en avons observés à quelques mètres du sommet du Mont Crozier (950m environ).

Azorella selago.

Cette apiacée (famille de la carotte) forme des coussins denses bien arrimés à des substrats rocheux, ce qui lui permet de résister au vent. Malgré une forte réduction de son abondance, elle est encore bien présente sur l’archipel, en particulier sur les hauteurs. Sur la photo, à gauche l’azorelle, à droite le Lyallia.



Lyallia kerguelensis.




Comme l’azorelle, le lyallia se retrouve sous forme de coussins. C’est la seule plante réellement endémique de Kerguelen, c'est-à-dire qu’elle n’est présente qu’à Kerguelen et non pas sur d’autres îles des terres australes. Elle est très peu abondante et est absente des lieux peuplés de lapins.

D’autres espèces de plantes autochtones (qui seront décrites dans un prochain billet) sont observables ainsi que des plantes introduites. La cabane d’Australia Sud entourée d’Avoine dorée témoigne d’ailleurs du rôle de l’homme dans l’apport d’espèces exotiques sur les îles.Les manips mensuelles à Australia







Les manips mensuelles à Australia



Chaque mois, nous rendons visite à notre petite île et allons saluer ses habitants : Acaena, Choux des Kerguelen, Lyallias et autres espèces de graminées autochtones. Le principal but de notre manip est de suivre leur état phénologique. La phénologie d’une plante correspond à l’état de la plante : du stade végétatif donc sans fleurs au stade reproductif qui va de l’émergence d’un bouton floral à la production de graines. En effectuant un suivi mensuel, nous pouvons savoir à quel moment dans l’année elles vont donc se reproduire et combien de temps celles-ci nécessitent pour passer d’un stade à un autre. Ce suivi, étant effectué depuis plusieurs années, permet de voir si la reproduction des plantes varie avec le temps. Ces changements pourront être reliés à des facteurs environnementaux comme les températures et les précipitations par exemple. C’est dans cette optique que trois piézomètres (tubes en plastique encastrés dans le sol) sont relevés chaque mois afin de mesurer la hauteur d’eau des nappes phréatiques en trois points de l’île. Ceci permet d’avoir une idée de la disponibilité en eau pour les plantes ainsi que de la variation mensuelle et annuelle des précipitations.
Nous avons donc :
- 20 placettes de 20*20cm d’Acaena sur lesquelles nous mesurons la hauteur de la strate et notons le stade phénologique de chaque plante comprise à l’intérieur de la placette.
- 20 choux dont nous mesurons diamètre et hauteur et comptons le nombre de hampes florales en notant leur stade phénologique.
- 6 espèces de graminées autochtones sur lesquelles nous notons également le stade phénologique
- 20 Lyallia kerguelensis sur le plateau qui surplombe la cabane d’Australia Sud.




La manip Calycopteryx


Calycopteryx est un insecte aptère (il n’a pas d’ailes) appartenant au même ordre que les mouches. La perte de fonction de vol serait due aux conditions de vents et de températures loin d’être idéales pour faire un petit tour dans les airs… De plus, leur régime alimentaire n’implique pas de déplacement, ce qui rend les ailes inutiles…
Cet insecte vit sur les choux dont il se nourrit. Le chou secrète certaines substances que l’insecte transformerait et utiliserait pour lutter contre des stress comme le froid par exemple.

Afin de savoir quelles sont les molécules utilisées par Calycopteryx, nous avons collecté en mars dernier des individus à différents stades de leur vie (larves-pupes-adultes des deux sexes) ainsi que des feuilles de choux. Des analyses en labo en métropole permettront d’identifier les molécules en jeu dans la relation chou-insecte.


Les sternes



Les insectes et les plantes ne sont ps les seuls à égayer nos manips… les piafs auusi s’en mèlent !
Sterna virgata, ou la sterne des Kerguelen est un élégant petit oiseau pêcheur de crustacés retrouvé en bord de côtes. A Australia, quelques sternes ont élu domicile à quelques encablures de la cabane. A chaque fois que nous passons à côté d’elles, elles nous accueillent ou plutôt tentent de nous effrayer en poussant des petits cris stridents et en nous fonçant dessus ! Gare à leur petit bec pointu ! Elles veillent sur leurs nids !



Un petit trip vers le Nord, ça vous tente ?


L’hiver étant là, les manips sont moins nombreuses. Une météo clémente nous a alors permis de rejoindre le Nord de l’île lors de notre manip fin juin. Seuls quelques kilomètres séparent la cabane du Nord de celle du Sud mais en réalité nous avons dû contourner l’Anse des Macrocystis et surtout enjamber moultes azorelles qui tentaient de nous barrer le passage !
A l’arrivée à la cabane, surprise : des milliers de crottes de souris et une odeur effroyable !!! Pas assez pour nous décourager, trois coups de balai et nous avons pris possession des lieux pour la soirée avant de repartir le lendemain pour le sud où le chaland allait nous récupérer.