mardi 18 décembre 2012

Bienvenue à La Guen

Lundi 10 décembre, départ à 4h30 de Nouméa, arrivée à Hienghène à 10h30. De longues heures de route d’abord sur la RT1, l’unique route qui remonte au Nord puis bifurcation à l’est sur la transversale. Nous (Edouard, l’ingénieur qui bossera avec moi sur le projet et moi) arrivons enfin à la tribu de Haut Coulna à 11h30 ! Quel périple ! Périple qui s’accélèrera au final : au programme saut de puce hélico (une petite bestiole jaune type playmobil) jusqu’au refuge à 570m d’altitude! Bref survol des montagnes, d’une grande cascade et… bien sûr… de la forêt ! C’est rigolo la forêt semble s’organiser en patchs, des patchs de végétation basses type maquis et de végétation haute, surtout présentes dans les talwegs.







Le refuge Henri Blaffart, près de lequel on est droppés, est construit sur une petite zone de maquis et surplombe la rivière juste au dessus de la chute d’eau. Henri Blaffart n’est autre que le fondateur de l’association Dayu Biik avec laquelle nous allons travailler sur le projet ; la rivière l’a emporté de l’autre côté il y a de ça quelques années. Il faut dire qu’ici les rivières semblent bien fougueuses! A peine arrivés, la pluie s’est empressée de nous tomber sur la tête nourrissant alors les rivières avec force. Ici, l’ambiance est humide (c’est le moins que l'on puisse dire !) et il est facile de comprendre la luxuriance de la forêt tropicale… humide… justement ! Première manip, premier tour dans ce qui sera la zone contrôle du projet.



Le projet, mené par une association locale, Dayu Biik et appuyé scientifiquement par l’IRD, va consister à tester l’effet d’un contrôle des rats (et des chats) sur la biodiversité de la forêt dense humide du Mont Panié.  Pour cela une zone contrôle (où les bestioles vont être tuées) et une zone témoin (zone où rien ne sera touché) vont être mises en place. On s’attend globalement à ce que le contrôle de ces espèces dites invasives soit bénéfique pour les espèces natives. Cet effet positif pourrait, par exemple, être noté sur le succès reproducteur des oiseaux ou sur la germination de graines de certaines espèces de plantes.

L’objet de cet manip éclair est de piéger des rats et de réaliser des observations sur la forêt et son petit peuple. Les estomacs des rats piégés sont collectés pour analyse de leur contenu. Ceci nous permettra d’avoir une idée de leur régime alimentaire et ainsi de savoir quelles espèces sont impactées. De la même manière, on a récolté des crottes de chats ! Pour compléter cette pré-analyse, des observations de prédation sont réalisés sur le terrain, notamment sur les graines. On a pu dénicher 13 espèces de plantes dont les fruits ou les graines sont abîmés par les dents du rat.

Djaèk et Gaby, deux kanaks des tribus voisines du Mont Panié sont là pour nous aider et nous apporter leur vision du terrain. Ce sont eux et d'autres membres de l'association qui travailleront sur le contrôle des rats et des chats ainsi que sur les suivis à long terme de la faune et de la flore.

Mardi, la pluie est intense. La zone est plutôt très humide et la mise en place des manips risque d'être rock and roll en période des pluies!

En fin d'après-midi, enfin, une petite accalmie nous permet de poser 24 pièges à rats, 24 tapettes appâtées par des morceaux de noix de coco.

Le soir au coin du feu, Djaèk m'apprend quelques mots en "nemi", le dialecte parlé par la tribu de Haut Coulna. La langue "kanak" n'existe pas : chaque tribu possède son propre dialecte. A tel point qu'entre tribus éloignées sur le territoire, ils ne se comprennent pas préférant alors le français pour pouvoir communiquer. Le soir, c'est un véritable concert qui anime la forêt : grillons et cigales chantent à perdre leur souffle!

Mercredi matin, le soleil me réveille à 6H du matin, mais, bien vite, le ciel se voile et la pluie, fine cette fois-ci, reprend de plus belle! Gaby et Djaèk me montrent des traces de rats (empreintes sur le sol) près de la cabane. Ils sont passés par là! Visite des tapettes posées la veille. Résultat? 3 rats. Déjà de grandes et charmantes fourmis aux longues pattes oranges, des Leptomyrmex palens, s'attaquent aux cadavres.


Les rats capturés ici sont des Rattus rattus, des Rats noirs. Il pourrait y avoir également ici des Rats polynésiens, Rattus exulans. Les rats noirs sont beaucoup plus gros; aujourd'hui, nous avons des belles bêtes de 190g! Le Rat noir se distingue également du Rat polynésien par une queue plus longue que son corps et une abscence de trace noire sur la patte. Le Rat noir est arrivée en Calédonie en même temps que les blancs et, depuis, a colonisé toute la Grande Terre y compris les zones montagneuses de la chaîne centrale. Omnivore, il fait des ravages parmi les populations d'oiseaux, lézards, insectes et plantes... En forêt, il semblerait que le Rat noir soit principalement végétarien et se nourrissent de graines, fruits, bourgeons et parties végétales diverses. Tout reste à prouver ici et c'est bien l'objectif de notre venue et de la collecte d'estomacs : déterminer le régime alimentaire des rats à partir des divers fragments alimentaires présents au sein de leur système digestif .

Cet après midi, grâce à une micro accalmie, nous avons posé 24 tapettes supplémentaires près de la zone qui constituera la zone témoin du projet. Et nous avons eu "la chance" de trouver sur notre chemin 8 crottes de chats!! Ces dernières nous serviront également à déterminer le régime alimentaire de ce petit moustachu.

Jeudi, réveil avec le soleil à 5h30!! Enfin du ciel bleu!!!

10 rats capturés ce matin + 4 capturés autour du refuge par Djaèk et Gaby. Bien bien sympa les collectes d'estomacs... Sur le terrain, les rats ont déjà été attaqués par des fourmis et des plathelminthes (des vers plats noirs parasites). Et une fois arrivée au refuge, c'est partie pour les dissections pas beaucoup plus agréables! Des grosses mouches n'en finissent pas d'accourir pour pondre sur les cadavres et les systèmes digestifs à collecter sont déjà gonflés à bloc! Certains arborent déjà de belles couleurs vertes et diffusent une agréable odeur...


Après ça? Une bonne douche bien méritée, dans la rivière qui coule juste en dessous du refuge!

Vendredi, collecte des derniers rats, on range les pièges et on descend!!!
On descend jusqu'à la tribu où la voiture, qu'on a laissé lundi, nous attend. Quelle descente! Le sol détrempé et argileux ne fait pas de cadeau! Le sac de rando pèse lourd et pas facile de rester debout sur le sol glissant! En forêt, on s'accroche à chaque arbre pour ne pas tomber! Attention aux "faux" arbres qui vous fausse compagnie!!! Puis en maquis, rien pour s'accrocher... Alors on fait ce qu'on peut pour rester debout! L'orage et une bonne pluie drue est venue nous compliquer la tâche. Mais une fois en bas près de la rivière,  de paysages idylliques défilent sous nos yeux!


Arrivée en bas de la tribu, une grosse rivière nous fait face... Hum.... Impossible de traverser!!! Il faut nager! Edouard traverse à la nage et va chercher de l'aide à la tribu. Ce sera Joseph, qui, avec son radeau de bambous nous fera passer la rivière : MERCI!


Après un petit café bine réconfortant, on repart pour l'aventure 4*4 : 1h30 de piste bien grasse! Puis 6h de route jusqu'à Nouméa!!! Quelle journée!

Une pré-manip qui s'achève, la prochaine lorsque la saison des pluies sera passée : certainement en mai 2013!

jeudi 8 novembre 2012

Premières impressions calédoniennes

Quelques adjectifs : chaud, humide, vert, rouge, bleu, sauvage, meurtri
Quelques mots clés : mer, corail, PMT, pluie, soleil, vent, moustiques, expat, caldoche, kanaks, brousse, montagnes, biodiversité, endémisme...

A peine arrivée sur le territoire calédonien, les couleurs se dessinent. Première vue sur le lagon bleu ciel  et les montagnes depuis l'avion. Puis route vers Nouméa qui sera ma ville d'accueil pour 3 ans. Une petite ville (125 000 hab.) verte et bleue posée sur une presqu'île de la Province Sud.



La Nouvelle Calédonie c'est un grand archipel (18500 km²) situé dans le Pacifique 1500 km à l'est de l'Australie et 2000 km au nord de la Nouvelle Zélande (et accessoirement à 17000 km de la métropole)


Pourquoi partir si loin? Hum... Je vais y réaliser une thèse de doctorat sur les espèces invasives dans le cadre d'un projet de contrôle des chats et des rats sur le massif du Mont Panié, vers Hienghène (le point rouge au nord de la carte) avec l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD)

vendredi 19 octobre 2012

En route pour le Grand Vadrouille!

Le temps passe vite ! Souvenez –vous, il y a déjà plus de 3 ans, une petite bestiole venait au monde : Vadrouille ! Vadrouille, c’est un double poney de race Haflinger, une race rustique provenant des montagnes du Tyrol en Autriche. Un petit cheval sympa au pied sûr qui, je l’espère, m’accompagnera au gré des chemins pour des petites comme des grandes vadrouilles !



Après avoir passé trois ans « libre » dans le pré, en septembre-octobre, place au grand évènement ! Le débourrage !  Le débourrage (pour les non-initiés) correspond au premier « dressage » du jeune cheval. Au terme du débourrage, le cheval doit accepter la selle et le cavalier et répondre aux ordres (tourner, accélérer, s’arrêter) et être à l’aise aux trois allures (pas, trot, galop).

Dés tout petit Vadrouille a été sociabilisé ;-) ! Marche en main, pansage, visites dans le pré etc!

Après plus d'un an sans exercice, place aux révisions ! La marche en main en carrière comme sur les chemins et dans les bois nous a occupés quelques jours!
Puis ce fut la succession d'innovations! Visite de la bâche par exemple!


 Puis, un peu de travail aux longues rênes pour lui apprendre à tourner, s'arrêter etc sans quelqu'un a ses côtés! A chaque étape, du débourrage, l'usage de la voix est aussi très important. "Marche, trottez, stop, tourne, c'est bien...." font partie du vocabulaire de tous les jours!


Pansage et attache obligatoire jusqu’à ce qu’il ne tire plus sur sa longe ! Ce fut une étape difficile vu l'impatience de la bête ! Hop, la selle sur le dos, sanglage ... Nickel, pas de réaction! On peut passer à une autre étape! 



L'étape cheval bâté! Grâce à une ingénieuse idée de Papa, v'là mon cheval avec 40 kg de sable sur le dos! Pas de réponse non plus, Vadrouille est décidément très calme!



Une fois toutes ces étapes franchies, il est temps de mettre le pied à l’étrier ! Et là super, encore une fois ! Vadrouille n’a pas bronché quand j’ai posé délicatement mes petites fesses sur son dos ! Très vite je suis alors partie sur les chemins au pas d’abord avec Papa à côté de moi à pied (au cas où) puis toute seule !!


J’ai même pu faire deux trois promenades courtes (1/2 H) avant de partir… en espérant que lors de mon retour, Vadrouille sera toujours prêt à courir les routes !


Et en récompense? Des bisous!!!


Et pour finir, les retrouvailles avec ses congénères :-) accueilli par la petite course-poursuite de bienvenue traditionnelle!



A bientôt Vadrouille!!!

dimanche 24 juin 2012

Un dimanche "In to the wild"

Quelques photos d'un dimanche le long de la côte du Canal Beagle en compagnie de Sara, une doctorante espagnole. But de la balade : placer quelques transects pour observation d'oiseaux côtiers. Superbe journée "in to the wild"!



Samedi dernier, c'était la fête de la nuit la plus longue ("fiesta de la noche la mas larga"). Des artistes locaux (clowns, batucadas, chanteurs, danseurs de cuecas (la danse trad' du Chili)) se sont succédés sur la scène à l'intérieur du collège de Puerto Williams. Un concours de sculptures de neige était aussi organisé : voici une petite photo du vainqueur!


Un petit coucou aussi au Martin pêcheur du coin : 40 cm la p'tite bête! Notre Martin n'a qu'à bien se tenir!


Arrivée à Punta Truco, un bus nous attendait! Quelqu'un vécut là, en témoigne les couverts et les restes de couverture éparpillés sur le sol du bus... un vadrouilleur à la "In to the wild" peut-être ;-)


Des vaches, encore des vaches le long de la côte. Un grand problème à Navarino les vaches... Elles mangent tout et accélèrent l'érosion un peu partout! Il y a même des vaches "sauvages" à l’intérieur de l'île!




Les journées sont encore courtes et nous finiront de placer les transects au soleil couchant (16h30). Sara compte étudier l'influence des conditions climatiques (principalement vent et température) sur le comportement des oiseaux côtiers en hiver. 



Un post un peu plus photographique que d'habitude :-) car peu de temps, je me rattraperai sur les textes la prochaine fois.

dimanche 17 juin 2012

Pic et pic et colégram...

Chose promise chose due ! Je profite d’une fin d’aprem dominicale pour me mettre à écrire… Il est 18h30 et il fait déjà noir depuis deux heures. C’est bientôt le jour le plus court et le début de l’hiver. Tiens donc ? L’hiver ? Je croyais qu’on y était déjà depuis quelques temps pourtant. Cela fait un peu plus de quinze jours que je suis revenue sur Navarino et je n’ai même pas eu le temps d’entrevoir mon sol d’accueil...couvert d'une épaisse meringue! Au bout de dix jours, entre 60 et 80 cm de neige se sont accumulées, la neige atteignant même les rives du canal Beagle !

















Brrr, je pense bien à vous sous le soleil et plus que le soleil, ce sont les heures de jour qui me manquent ! Je vais revenir toute blanche !

Malgré une météo capricieuse, je n’ai pas abandonné le terrain pour autant et je suis sortie dés que je pouvais, avec de la neige jusqu’en haut des cuisses parfois ! Bueno… Vous allez me dire… on est « manipeur de l’extrême » on on l’est pas ;-) ! Hier, j’ai quand même bien apprécié la surprise : le programme vient d’acheter des raquettes ! Une grande prems pour moi ;-) , ça me change complètement la vie même si ce n’est pas toujours facile, avec des raquettes, de crapahuter sur les troncs tombés à terre ou de se faufiler entre les taillis.




Et tout ça pour continuer à … étudier l’écologie du Pic de Magellan (Campephilus magellanicus).

Cette espèce, intimement liée aux forêts de Nothofagus (faux hêtres), est endémique du sud de la Patagonie. Avec ses quelques 40 cm de long de la pointe du bec à la queue, c’est une des espèces de pics les plus grandes au monde. Pas de risque de confusion : c’est le seul pic noir de cette taille au sein de cette zone. Il existe un fort dimorphisme sexuel : le mâle possède une tête rouge écarlate surmonté d’une petite crête alors que chez la femelle, seule la base du pic est rouge. Cette dernière possède une crête beaucoup plus longue que le mâle.







Cette espèce vit en famille : en général, on retrouve un couple plus le juvénile de l’année et l’immature de l’année précédente. Le fait de rester tant de temps avec les parents résulterait de la nécessité à apprendre à se nourrir. Et oui pas facile la vie de pics : il faut sans cesse se cogner la tête… non le bec contre les arbres pour réussir à trouver larves et insectes xylophages (qui se nourrissent du bois) qui composent la majorité de son menu. Il peut aussi occasionnellement se nourrir de jeunes poussins et de fruits et il a déjà été pris en flagrant délit de consommation de lézard et de chauves-souris !

Chaque année en octobre-novembre, le couple construit son nid à l’intérieur d’un tronc creux. La femelle y dépose de un à deux œufs. Mais si les deux éclosent, malheur au plus faible qui sera abandonné. En effet, toute l’énergie des parents est concentrée à élever un jeune sur lequel ils misent la pérennité de leurs gènes ! Chez le couple pic, c’est partage des tâches :Maman comme Papa s’affèrent pour s’occuper de leur petiot : garder le nid, chercher à manger et nettoyer son nid. En un peu moins d’un mois, en décembre-janvier environ, le jeune pic pourra sauter du nid et commencer à suivre ses parents.

Et que fais-je donc moi dans tout ça?

Le but de mon travail ici est de suivre 6 familles de pics afin de:

1) cartographier leurs territoires. Cela doit permettre de connaître la taille moyenne de l’aire nécessaire à une famille de pic pour se nourrir et se reproduire ; ceci en relation avec le type de forêts (espèces, âge de la forêt, état de conservation) mais aussi de voir si oui ou non les territoires des différentes familles se superposent.

2) identifier les différences en terme d’utilisations du territoire et de la ressource entre différentes périodes de l’année (avant-pendant et après reproduction).

3) identifier les différences de comportement alimentaire entre mâles et femelles

Pour cela, chaque père de famille a été capturé et équipé d’un émetteur radio qui permet de le trouver. Chaque individu possède une fréquence radio différente. Je passe donc mes journées dehors avec une antenne et le récepteur à la main à chercher mes pics ! Un véritable jeu de piste parfois car il faut traverser des tourbières, des zones humides laissées par les castors (les fameuses "castoreras"), des broussailles, de la forêt avec sous bois ouverts comme fermés, de la forêt avec plein de troncs tombés à terre etc ! Pas toujours facile ! Et à cela s’ajoute la rivière à traverser sur des troncs :-/, les nombreuses zones d’échos (roches par exemple qui renvoie le signal radio …) et maintenant bien sûr la neige !



Une fois trouvée la famille, je décris le comportement de chaque individu et l’environnement qui l’entoure ! Et c’est reparti pour une autre partie de cache-cache avec la prochaine famille sur la liste !

Vous avez donc compris, je vais revenir blanche mais avec des cuisses d’enfer ;-) !
N’hésitez pas à me poser des questions si vous voulez en savoir plus !

Et, à bientôt pour d’autres posts !